En décembre dernier, nous avons évoqué les défis en matière de santé à l’échelle mondiale et face aux avancées technologiques. Car c’est un fait que nous vivons plus longtemps.
Nous avons ainsi examiné les prévalences actuelles de certaines maladies, qui sont responsables d’un nombre croissant de décès. C’est notamment le cas des maladies cardiaques, du diabète et du paludisme. En se fondant sur une série de rapports et d’études scientifiques, nous avons essayé de mettre en exergue l’évolution de ces mêmes maladies d’ici les prochaines décennies.
Dans cette deuxième partie, nous avons décidé de porter notre attention sur les maladies chroniques, dont les allergies, l’asthme, l’arthrite, le psoriasis et l’ostéoporose.
Encore une fois, nous nous sommes basés sur plusieurs études scientifiques pour connaître leur évolution d’ici la moitié du XXI ème siècle, les facteurs pouvant expliquer leur éventuelle progression et les traitements médicaux pouvant se généraliser dans le futur.
Quelle sera la fréquence des allergies en 2050 ?
Les experts sur le sujet considèrent que la prévalence globale des allergies a tendance à augmenter et qu’en raison de certains facteurs environnementaux, une partie de la population mondiale verra ses symptômes allergiques s’aggraver.
Une étude publiée en 2016 examine comment l’accroissement de la présence d’ambroisies en Europe devrait contribuer à une augmentation significative de la concentration de pollen et de latences dans l’air. Ces deux facteurs devraient provoquer une intensification du nombre d’européens sensibles aux ambroisies. Ainsi, de 33 millions de personnes ayant aujourd’hui une réaction à cette plante, o devrait atteindre un chiffre de 77 millions entre 2041 et 2060.
Cette même étude explique que les personnes allergiques aux ambroisies et vivant en Hongrie ou dans les pays balkaniques observeront un accroissement de leur symptômes (qui incluent une congestion nasale, des éternuements, des maux de tête et de l’irritation au niveau de la gorge et des yeux). La plus grande progression du nombre de patients allergiques aux ambroisies se trouvera dans les pays européens du nord, tels que la France, l’Allemagne ou la Pologne.
Les statistiques actuelles semblent confirmer ces prédictions, et de manière imminente. Notamment, une déclaration de la Commission européenne datant de 2010 a annoncé qu’environ 50% de la population européenne sera allergique en 2050 (à comparer aux 35% actuel).
Une autre étude de 2012 du Collège Américain de l’Allergie, de l’Asthme et de l’Immunologie a établit que les niveaux de pollen seront multipliés d’1,5 à 2 aux Etats-Unis. Une intensification des symptômes allergiques sera la conséquence logique. L’une des solutions pour limiter cette propagation est d’explorer les options qu’offrent les traitements pour l’immunothérapie.
Globalement, les maladies allergiques concernent à l’heure actuelle un milliard de personnes. Cependant, ce chiffre devrait augmenter d’ici les prochaines années et atteindre quatre milliards en 2050 (pour information, 4 milliards de personnes devraient représenter 40% de la population sur un total de 9,7 milliards).
Allergies alimentaires et anaphylaxie
A côté des allergies au pollen, il est aussi important de parler des allergies alimentaires qui devraient également augmenter.
Une étude britannique en date de 2007 a pointé le fait que depuis 1990, il y a eu une multiplication par cinq du nombre d’admissions à l’hôpital pour des allergies alimentaires et une multiplication par sept du nombre de réactions anaphylactiques. A cela, on peut ajouter le nombre d’hospitalisations en raison d’une réaction anaphylactique qui a augmenté de 19% entre 2011/2012 et 2015/2016.
Plusieurs facteurs permettraient d’expliquer cette hausse. Une des hypothèses avancées est que la surveillance médicale étant plus approfondie, le taux de diagnostic augmente graduellement. Mais nos modes de vie, ainsi que nos habitudes alimentaires, exposés à certains allergènes, peuvent aussi avoir un impact.
De nombreux nouveaux types de cas se développent à l’âge adulte, et non plus uniquement pendant l’enfance. Une des théories avancées pour expliquer cette mutation est que l’exposition à certains aliments de manière inhabituelle peut conduire à des sensibilisations tardives.
Pour illustrer ce constat, on peut évoquer l’exemple cité dans un article du The Guardian. La consultante en allergie Tina Dixon a ainsi évoqué le cas de l’une de ses patients, un chef ayant développé à l’âge adulte une allergie aux oeufs. Elle explique cette allergie par le fait qu’en respirant des particules d’oeufs sur une longue période, le patient aurait développé une hypersensibilité à cet aliment.
De quelle manière les traitements médicaux vont évoluer ?
La bonne nouvelle pour les personnes qui souffrent d’allergies c’est que les scientifiques comprennent de mieux en mieux cette maladie. Par conséquent, il est probable que les traitements allergiques s’améliorent dans les prochaines décennies. Concernant la rhinite allergique, la recherche se concentre notamment sur l’efficacité de la co-administration plutôt que sur la prise d’un traitement à la fois. L’administration de faibles doses d’UVB est aussi une piste explorée.
D’autres recherches suggèrent que l’administration par voie sublinguale d'épinéphrine sous forme de comprimés aux patients sujets à des chocs anaphylactiques peut offrir une alternative intéressante aux stylos à injection. (Il a été établi que les comprimés conviennent aux patients phobiques aux piqûres et ont l’avantage d’avoir une durée de vie plus longue que les solutions à injecter). Néanmoins, l’option des comprimés d’épinéphrine est toujours à une phase initiale de test.
Quelle sera la fréquence de l’asthme en 2050 ?
Plusieurs études scientifiques ont des résultats contradictoires sur la prévalence de l’asthme dans un futur proche.
L’asthme concerne en France environ 3,5 millions de personnes, dont un tiers d’enfants de moins de 15 ans. Néanmoins, le taux d’hospitalisation semble se stabiliser depuis quelques années.
(En effet, le nombre de personnes ayant été diagnostiquées pour de l’asthme dépasse les 3 millions. Cependant, un certain nombre de ces patients souffriront d’asthme pendant leur enfance et verront leurs symptômes disparaître au moment d’atteindre l’âge adulte)
L’augmentation du taux d’asthmatiques concernent la majorité des pays développés. A titre d’exemple, certains scientifiques estiment que la prévalence à l’asthme augmentera de 36 % en 2050 (de 40,8 millions à 55,8 millions de patients).
L’Académie européenne d’Allergie et d’Immunologie Clinique estimait en 2014 que l’asthme pourrait être la maladie chronique la plus fréquente chez les enfants en 2025. Cette augmentation devrait particulièrement concerner les zones urbaines, en raison du mode de vie et des facteurs environnementaux.
Quels sont ces facteurs environnementaux ?
Tout d’abord, nous devons évoquer la pollution intérieure.
En 2015, un professeur de l’Université Reading déclarait que l’efficacité énergétique dont le but est de conserver au mieux l’énergie à l’intérieur des logements, exacerbent les polluants aériens et produits par la cuisine, le nettoyage et l’application de cosmétiques. Le fait que de plus en plus de logements soient construits avec cette idée d’économiser l’énergie pourrait augmenter de 80% la prévalence à l’asthme.
Ce constat concerne de nombreux pays dans le monde. En 2007, l’OMC a déclaré qu’environ 300 millions de personnes vivent avec des symptômes asthmatiques dans le monde. Ce nombre pourrait atteindre 400 millions en 2025.
Ce constat est confirmé par le Journal de l’Organisation Mondiale de l’Allergie, qui considère que l’asthme devrait affecter 10% (près d’un milliard) de la population mondiale en 2050.
De quelle manière les traitements médicaux vont évoluer ?
Il est difficile de répondre à cette question. A l’heure actuelle, il semble peu probable qu’un traitement définitif pour l’asthme soit mis au point. Comme pour les allergies, les recherches actuelles s’attachent à mieux comprendre les ressorts de la maladies et les causes à son origine. Cela aidera les scientifiques à développer des nouveaux moyens pour aider les patients à contrôler les symptômes de leur maladie et à limiter les crises.
Un article de European Respiratory Review suggère que les initiatives se concentrant sur de nouvelles pistes ont dévoilé des résultats intéressants. Il y a l’espoir de soigner l’asthme léger et de considérablement améliorer le contrôle et la qualité de vie des patients souffrants d’asthme plus grave.
Par exemple, l’une des approches privilégiées se concentre sur l’isolation et l’arrêt de la reproduction des molécules igE (qui activent les crises d’asthme allergique).
L’une des autres théories est que l’asthme allergique est une réaction à un parasite, même si ce dernier n’est pas présent dans le corps. Ainsi, certains traitements dérivés du parasite pourraient permettre de réduire les symptômes.
Quelle sera la prévalence de l’arthrite en 2050 ?
L’ostéoarthrite (quand les articulations du corps subissent des dommages progressifs sur une longue durée) est une autre maladie qui devrait voir sa fréquence augmenter dans les prochaines années, notamment chez la population âgée. L’arthrose concerne 65% des personnes âgés de plus de 65 ans et 80% des patients de plus de 80 ans.
Le CDC reporte qu’entre 2010 et 2012, 52,5 millions d’adultes vivant aux Etats-Unis avaient été diagnostiqués au moins une fois dans leur vie pour un état arthritique, dont de l’arthrose, de la polyarthrite rhumatoïde, du lupus, de la goutte ou de la fibromyalgie. 30,3% de la population américaine adulte, âgée entre 45 et 65 ans, ont été diagnostiqués pour une maladie de l’arthrite. Ce pourcentage monte à 50% pour les personnes âgés de plus de 65 ans.
Selon une revue canadienne, la prévalence totale pour l’Australie et les pays de l’Europe du Nord tels que la Belgique, la Norvège et les Pays-Bas varie entre 8% et 13%, ce qui semble comparable au Royaume-Uni (12,5%). Les taux de diagnostic pour les pays asiatiques sont inférieurs (entre 4 et 11%) et beaucoup plus bas en Amérique du Sud et dans les pays du Moyen-Orient (entre 2 et 4%).
Cependant, il est compliqué de mesurer la prévalence de l’arthrite à l’échelle mondiale. Différents pays ont des définitions distinctes de ce que sont les maladies arthritiques. Il peut donc être possible que des symptômes soient sous-évalués par les patients, alors que ce sont des facteurs contributifs à l’arthrose. C’est ce qui expliquerait les taux relativement bas de certains pays.
On peut déduire du vieillissement de la population que la prévalence de l'ostéoarthrite va augmenter. Mais pour obtenir une idée plus précise quant à cette augmentation, il peut être utile de se pencher sur une étude réalisée en 2007, en Australie.
En effet, il y a dix ans, l’organisation Arthritis Australia a recensé 3,85 millions d’australiens vivant avec une forme d’arthrite. Leur prédiction est que ce chiffre devrait atteindre 7 millions en 2050.
Si on se base sur ces prédictions (l’Australie a la même prévalence que la plupart des pays d’Europe du nord), cela signifie que le taux de prévalence de l’arthrose devrait doubler entre 2007 et 2050.
D’autres projections américaines en date de 2007 sont légèrement moins alarmistes mais pointent néanmoins une hausse importante de cas. En effet, il est déclaré que le nombre d’adultes aux Etats-Unis vivant avec de l’arthrite devrait passer de 60 millions en 2005 à 96 millions en 2050. Cela constitue une multiplication par 1,6 du nombre de cas.
De quelle manière les traitements médicaux vont évoluer ?
Les causes de la polyarthrite rhumatoïde seraient génétiques et environnementales. La recherche scientifique tente de mieux identifier ces facteurs. Encore une fois, une meilleure compréhension de la maladie aidera les scientifiques à développer de nouveaux traitements.
Pour l'ostéoarthrite, il existe plusieurs options qui sont actuellement explorées. Cela inclut la technologie de régénération tissulaire, pouvant aider à soigner les os et les cartilages endommagés. Une autre méthode envisagée consiste à maîtriser l’arthrose par la nanotechnologie. Plus spécifiquement, les injections de nanoparticules qui peuvent être administrées dans les articulations, rapidement après une blessure et afin de réduire l’inflammation, et limiter la dégénérescence.
Quelle sera la prévalence du psoriasis en 2050 ?
Le psoriasis est une trouble auto-immune qui affecterait deux personnes sur cent. Cette maladie concernerait plusieurs millions de personnes.
Néanmoins, il n’est pas facile d’avoir une analyse claire sur la prévalence du psoriasis car jusqu'à il y a quelques années, il y avait peu de données connues.
En 2016, un rapport de l’OMC suggère qu’en raison du nombre limité de données, nous ne pouvons pas être certain d’une possible progression de la maladie:
- La prévalence en Chine a augmenté de 0,17 à 0,59% entre 1984 et 1999
- En Espagne, le taux est passé d’1,43% à 2,31% entre 1998 et 2013
- Aux Etat-Unis, la prévalence a augmenté de 1,62% à 3,1%, entre 2004 et 2010
En outre, le psoriasis est une maladie concernant majoritairement les personnes âgées. Or, l’âge de la population mondiale vieillissant, il est probable que la prévalence de cette maladie dermatologiste augmente d’ici les prochaines années.
Enfin, une meilleure connaissance de cette maladie augmente aussi le nombre de personnes diagnostiqués.
Ainsi, bien que l’on ne puisse pas donner de chiffres précis sur le nombre de cas diagnostiqués en 2050, il est très probable que le pourcentage de patients diagnostiqués pour un psoriasis augmente.
De quelle manière les traitements médicaux vont évoluer ?
Nous avons encore beaucoup de choses à découvrir à propos du psoriasis. Cependant, de nouveaux médicaments sont actuellement en développement pour aider à contrôler les symptômes de la maladie.
Par exemple, les inhibiteurs IL-17A et IL-23 agissent en empêchant les protéines de produire une réponse anti-inflammatoire dans le corps. De nombreux espoirs sont placés dans ce nouveau type de traitements.
Quelle sera la prévalence de l’ostéoporose en 2050 ?
A l’heure actuelle, on estime que 39% des femmes de 65 ans ou plus souffre d’ostéoporose. Presque 400 000 nouvelles fractures sont comptabilisées chaque année en raison de cette maladie.
La Fondation Internationale de l’Ostéoporose estime que 200 millions personnes sont affectées par l’ostéoporose, dont 30% sont des femmes post-ménopausées aux Etats-Unis et en Europe. Au total, 8,9 millions de fractures sont comptabilisées chaque année à cause de cette maladie.
Une nouvelle fois, le fait que la population mondiale vieillisse est un facteur qui devrait expliquer une augmentation du nombre de cas d’ostéoporose d’ici les prochaines décennies. Ainsi, selon la Fondation, les fractures de la hanche chez les hommes devraient augmenter de 310% entre 1990 et 2050. Chez les femmes, la progression devrait atteindre 240%.
De quelle manière les traitements médicaux vont évoluer ?
Plus les connaissances scientifiques sur l’ostéoporose progressent, plus il est facile de comprendre la maladie et plus il sera simple de prévenir la maladie. Le calcium et la vitamine D sont vitales pour éviter le développement de l’ostéoporose et doivent donc être inclus dans votre régime alimentaire. Avoir une activité sportive est aussi essentiel pour éviter le risque de fracture.
Différents types de traitements médicaux pour l’ostéoporose sont actuellement disponibles. Certains d’entre eux réduisent la vitesse à laquelle la densité osseuse se fragilise. D’autres médicaments permettent d’augmenter le niveau d’hormones (car le déséquilibre hormonal est souvent une cause de la fragilité osseuse).
La recherche actuelle se concentre sur la pathophysiologie des cellules osseuses. Un article suisse en date de 2012 a concentré son argumentation sur la manière dont les nouveaux traitements peuvent spécifiquement cibler les molécules qui régulent les fonctions des cellules osseuses. Il y a aussi l’espoir que les outils de diagnostique évoluent afin d’aider les docteurs à identifier la dégénération des os chez les adolescents et l’adulte. Cela permettrait de se concentrer sur des traitements préventifs.