Institut Pasteur, AP-HP… Des études récemment publiés en France montrent une éventuelle corrélation entre le coronavirus et la nicotine. En effet, fumer aurait un effet protecteur contre le SRAS-CoV-2, le virus à l’origine de la pandémie du COVID-19, puisqu’il toucherait quatre fois moins les fumeurs.

Face à cette annonce, la vente de substituts nicotiniques a été limitée par le gouvernement le 24 avril 2020, selon un arrêté paru dans Journal officiel. L’objectif est d’éviter que les Français ne se ruent pour en acheter, ainsi qu’en limiter la consommation excessive et les mésusages.

Pour autant, cette nouvelle a de quoi réjouir les fumeurs qui veulent continuer à fumer. On peut donc se demander si c’est le bon moment pour arrêter de fumer ? 

Sur Vivami.co, avec le Dr. Daniel Atkinson, nous faisons le point sur les études récentes sur le sujet, les effets du tabagisme en France et les solutions efficaces pour arrêter de fumer.

Coronavirus & nicotine : est-ce le bon moment pour arrêter de fumer ? - Vivami.co

Tabac, nicotine & COVID-19 : le point sur les études en cours

Le tabac et la nicotine protègeraient du COVID-19

À l’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris (AP-HP), le neurobiologiste Jean-Pierre Changeux, ainsi que Zahir Amoura, interniste, ont constaté un faible taux de fumeurs atteints du COVID-19 dans une étude publiée le 21 avril 2020 sur Qeios. Sur 350 patients hospitalisés, seuls 4,4 % étaient des fumeurs réguliers. Ils envisagent également l’hypothèse protectrice de la nicotine, notamment parce que “l’infection par le SARS-CoV-2 fait intervenir le récepteur nicotinique de l’acétylcholine” selon un communiqué

De son côté, l’Institut Pasteur a lui aussi testé près de 700 enseignants, élèves et familles d'une école de Crépy-en-Valois, l'une des régions les plus touchées de France. Les tests ont révélé que seuls 7,2 % des fumeurs parmi les adultes testés étaient infectés, alors que quatre fois plus de non-fumeurs, soit 28 %, étaient infectés. 

Arnaud Fontanet, épidémiologiste à l'institut, a averti qu'ils n'encourageaient pas les gens à commencer à fumer, remarquant que les fumeurs qui attrapent le virus "risquent de souffrir de plus de complications" que les autres. Les scientifiques ont suggéré que c'est peut-être la nicotine contenue dans les cigarettes qui est à l'origine des résultats surprenants concernant l'infection, bien que des recherches supplémentaires soient nécessaires.

Faut-il utiliser des substituts nicotiniques en prévention du COVID-19 ?

Patchs, gommes, comprimés… Face à la sortie des récentes études, certains se sont rués sur substituts nicotiniques pour se protéger du COVID-19. Pour autant, sont-ils sans risques ?

Si elle n’est pas toxique, la nicotine présente dans la cigarette est à l’origine de la dépendance au tabac des fumeurs. À chaque inhalation, elle atteint le cerveau via le système artériel pulmonaire et se fixe sur les récepteurs nicotiniques, libérant ainsi de la dopamine. C’est cet effet de “shoot” qui est responsable de la dépendance à la nicotine. À l’inverse, les substituts nicotiniques diffusent de la nicotine de manière lente, ce qui permet de se libérer de la dépendance physique. “Aucune dépendance aux timbres (patchs) n’a été observée à ce jour. De rares cas de dépendance aux autres formes (en particulier les chewing-gum) ont été signalés” indique Tabac Info Service.

Selon le Dr Daniel Atkinson, “Les patchs de nicotine ont aidé des millions de personnes dans le monde à réduire ou à arrêter de fumer, ils sont sûrs et efficaces."

"L'utilisation de substituts à la nicotine pour réduire les risques d'attraper le COVID-19 n'a pas fait l'objet de recherches approfondies, bien que certaines indications montrent que la nicotine offrirait une certaine protection contre l'infection. Si les gens souhaitent l'acheter dans ce but, ils doivent comprendre que l'utilisation de timbres à la nicotine de cette manière est hors licence du produit.”, ajoute-t-il.

Le tabac aggraverait les formes graves du coronavirus

Dans une récente étude publiée dans le NEJM, parmi 1100 patients hospitalisés pour coronavirus en Chine, on compte environ 17% de fumeurs et 5% d’anciens fumeurs parmi les cas les plus graves. En outre, lorsqu’on regarde de plus près les critères de gravité (soins intensifs, ventilation, décès), le nombre de fumeurs élève à 26% contre 12% chez les non-fumeurs.

Dans le même sens, une plus petite enquête chinoise menée auprès de 80 patients hospitalisés pour COVID-19 à Wuhan révèle que les fumeurs atteints du coronavirus ont 14 fois plus de risques de développer une forme grave.

Des études qui nécessitent d’être approfondies

Le tabac est-il un facteur aggravant le Covid-19 ? La nicotine protège-t-elle du virus ? D’après les études publiées, le lien entre l’infection et le fait de fumer est loin d’être clair. Même si les résultats sont globalement en faveur du caractère aggravant de l’infection chez les fumeurs, les données actuellement fournies sont incomplètes et non-comparables. 

"De tels chiffres sont à manier avec précaution. […] Il est donc difficile de conclure […] que fumer pourrait conférer une protection contre la maladie à l’ensemble de la population.", indique l'Inserm.

Et pour cause, la définition d’un fumeur varie d’une étude à l’autre, incluant ou non les anciens fumeurs. À partir de quelle consommation le tabagisme aurait-il des bénéfices ou risques ? De plus, leur approche varie entre facteurs associés aux décès ou facteurs de sévérité de la maladie (ex: soins intensifs). Les cohortes sont également effectuées sur une faible population.

Le tabac en France : état des lieux 

En France, le tabac est responsable de 75 000 décès par an selon Santé Publique France. “Le tabagisme ne peut donc pas être proposé comme une façon de se protéger contre le nouveau coronavirus.” comme l'indique si bien un chercheur de l’Institut Pasteur. 

En outre, depuis 2005, on constate une forte diminution du nombre de fumeurs chaque année, même si l'on note des disparités sociodémographiques, avec une baisse différenciée selon les régions. En effet, selon les données les plus récentes, les fumeurs quotidiens entre 18 et 75 ans variait de 21,3% à 32,1% selon les régions de France métropolitaine.

Régions à prévalence faibleRégions à prévalence élevée
  1. Ile-de-France (21,3%)
  2. Pays de la Loire (23,0%)
  1. Grand Est (30,1%)
  2. Occitanie (30,3%)
  3. Hauts-de-France (30,5%)
  4. Provence-Alpes-Côte d’Azur (32,1%)

Prévalence du tabagisme quotidien en France par région (2017, Santé Publique France)

Bien que la baisse de la consommation de tabac ne s’observe pas dans toutes les régions de France, à savoir uniquement la Normandie et l'Ile-de-France, inciter les gens à fumer pour se protéger contre le COVID-19 serait complètement contre-productif.

En outre, les études en cours ne permettent pas de donner une réponse définitive quant aux caractères protecteurs du tabac ou de la nicotine. “Cependant, si cette observation est confirmée par d’autres études, comprendre comment le tabagisme protège du nouveau coronavirus peut ouvrir la voie vers des pistes de traitement préventif ou curatif du Covid-19.” ajoute l’Institut Pasteur.

Tabac : pourquoi faut-il arrêter de fumer !

Fumer et risque d’inoculation du coronavirus 

On ne cesse de le répéter, mais prévenir l’infection réside dans des gestes simples comme le lavage des mains ou le fait d’éviter de se toucher le visage.

Le meilleur moyen de se prémunir contre le COVID-19 est de se laver les mains fréquemment. Cela permet d'éradiquer tout virus qui pourrait se trouver sur vos mains et ainsi d'empêcher leur propagation ou toute infection lorsque vous vous touchez par exemple les yeux, la bouche ou le nez", rappelle le Dr Atkinson. 

Le problème avec les fumeurs est qu’ils se touchent plus les lèvres lorsqu’ils fument leurs cigarettes. Ils ont par conséquent plus de risque d'inoculer le virus qu’un non-fumeur.

Le tabac affecte le système immunitaire

Si cet élément est souvent moins mis en évidence, il faut savoir que le tabac a également un impact sur le système immunitaire. De ce fait, chez les fumeurs quotidiens, l’organisme est plus sujet aux maladies ou infections de manière générale.

Au niveau pulmonaire, les cils vibratiles présents sur la paroi des cellules des voies respiratoires (sinus, trachée, bronches), dont leur battement fait remonter du mucus sécrété dans la gorge pour débarrasser les voies aériennes des impuretés et agents pathologiques, sont altérées dues au tabac. Elles fonctionnent par conséquent moins bien et les infections pulmonaires sont favorisées.

Comme le souligne le Dr Daniel Atkinson : "Le tabagisme peut provoquer une plus grande inflammation des poumons et réduire l'efficacité du système immunitaire. Ainsi, même si la nicotine semble avoir un effet protecteur contre l'infection par COVID-19, si les fumeurs sont infectés, ils ont beaucoup plus de risques d'avoir besoin d'un traitement en soins intensifs à l'hôpital qu'un non-fumeur qui attrape COVID-19".

Le tabac provoque des maladies graves

À ce jour, aucune preuve tangible ne permet de démontrer que fumer protège du COVID-19. Et quand bien même les études s’accorderaient sur ce point, il ne faut pas oublier que le tabac présente des effets dévastateurs sur l’organisme... 

Entre autres, le tabac favorise l’apparition de maladies graves, qu’elles soient pulmonaires (BPCO), cardiovasculaires (AVC, infarctus du myocarde), digestives (maladie de Crohn, pancréatites, calculs biliaires…), sans oublier une liste innombrable de cancers.

Mais sans aller si loin, le tabac reste délétère pour l’organisme au quotidien, notamment à cause des milliers d’agents chimiques qu’une cigarette contient :  

  1. Bucco-dentaire : mauvaise halène, jaunissement des dents, favorise leur déchaussement 
  2. Tissus cutané et osseux : vieillissement prématuré de la peau (rides), altération de sa qualité (teint gris, pâle, sécheresse), favorise l’ostéoporose
  3. Santé mentale : favorise le stress, altère la qualité du sommeil, dépendance et syndrome de manques
  4. Neurologique : altération des terminaisons nerveuses (sensation des extrémités mains pieds, gout, odorat...)
  5. Cardiovasculaire : réduction de l’oxygène dans le sang, épaississement du sang, tachycardie et hypertension artérielles, athérosclérose (plaques d’athérome) 
  6. Pulmonaire : tissus pulmonaires endommagés, difficultés respiratoires (toux persistantes, sifflements…) et pathologies (emphysème, bronchites…)
  7. Digestif : développement de maladies (reflux gastro-oesophagien (RGO), brûlures d’estomac, ulcères peptiques)
  8. Reproduction : favorise les dysfonctions érectiles et la production des spermatozoïdes chez les hommes, diminue la fertilité de la femme et augmente les risques de fausses couches et accouchement prématurés

En cas de symptômes bénin, l’infection au COVID-19 se guérit spontanément au bout d’une quinzaine de jours dans environ 90% des cas à l’heure actuelle. À l’inverse, le tabagisme est à l’origine de nombreuses maladies chroniques. Il est donc plus judicieux de s’en tenir aux règles d’hygiènes préconisées par le gouvernement que de se mettre à fumer.” ajoute le Dr Daniel Atkinson.

Comment arrêter de fumer ? 

Il existe différentes méthodes efficaces pour arrêter de fumer, allant du sevrage brutal purement psychologique à l’utilisation d’alternatifs de types cigarette électronique, nicotine de substitution ou encore traitement médicamenteux.

Les substituts nicotiniques

Présentés sous formes de patchs transdermiques, chewing gums, pastilles ou encore inhalateurs, ces substituts délivrent de la nicotine dans le corps afin de compenser les besoins réguliers des fumeurs. La quantité administrée est généralement faible, mais peut varier selon les produits et les besoins du consommateur.

Le patch, par exemple, disponible en plusieurs dosages doit être utilisé une fois par jour. Généralement, le fumeur commence avec une dose élevée et diminue graduellement à mesure des semaines. Les chewing gums, les inhalateurs et les pastilles, quant à eux, permettent de délivrer une dose plus faible et de courte durée. Ils sont plutôt utilisés pour soulager les envies soudaines.

Ces thérapies de substitution à la nicotine augmenteraient de 50 à 70% d’arrêter de fumer, mais ces chances sont doublées lorsque ces traitements sont combinés avec un programme d’arrêt.

Les traitements médicamenteux

À ce jour, il existe deux traitements disponibles sur ordonnance pour aider à l’arrêt du tabac : le Champix et le Zyban.

Ces médicaments s’avèrent très efficaces pour arrêter de fumer, car ils réduisent les effets liés au sevrage tabagique induits pas le manque de nicotine dans le corps. Plus précisément, ils agissent au niveau des récepteurs des neurotransmetteurs du cerveau pour empêcher la recapture de la nicotine. Ils ont donc l’avantage de prévenir les envies de nicotine et de diminuer ses effets lorsqu’elle est inhalée par les fumeurs.

Cependant, en raison de ses effets secondaires potentiels, ces traitements ne conviennent pas à tout le monde. De plus, ils sont généralement indiqués dans le cadre d’un programme d'aide à l'arrêt, incluant une aide psychologique, un tabacologue et un contrôle régulier de votre médecin généraliste.

La cigarette électronique

La cigarette électronique, ou e-cigarette, est un dispositif élaboré de manière à reproduire l’action de fumer.  Elle contient un liquide à base de nicotine, qui est ensuite inhalée sous forme de vapeur par le vapoteur. L’avantage est qu’elle ne contient pas toutes les substances chimiques toxiques que l’on retrouve dans le tabac (ex : monoxyde de carbone, goudron), ce qui n’est pas négligeable pour la santé.

Plusieurs études s’accordent sur l’efficacité de cette méthode pour arrêter de fumer, mais l’e-cigarette reste tout de même sujet à débats car il n’y a pas assez de recul nécessaire pour évaluer ses effets sur la santé à long terme. 

Le sevrage brutal

Le sevrage brutal est une méthode d’arrêt du tabac qui s’appuie uniquement sur la volonté psychologique du fumeur. C’est généralement la première méthode utilisée pour arrêter de fumer.

Mais si les résultats de cette approche sont plutôt positifs, elle ne convient pas forcément à tout le monde car c’est la plus difficile à mettre en oeuvre. En effet, le nombre d’années de tabagisme ainsi que de cigarettes fumées au quotidien ont un fort impact sur le succès d’un sevrage brutal du tabac. Il s’agirait donc d’une approche plus adaptée pour les fumeurs occasionnels que quotidiens. 

Si vous souhaitez en savoir plus sur les différentes méthodes pour arrêter de fumer, rendez-vous sur le site tabac-info-service.fr