Connaissez-vous le terme cybercondrie ?

Vous avez déjà probablement entendu parler de l'hypocondrie; la peur constante de tomber malade. C’est loin d’être un phénomène nouveau. La pièce de Molière, Le Malade imaginaire, en est le parfait exemple.

Depuis la naissance de la médecine moderne (et probablement bien avant cela), des personnes concernée ou non par la maladie, s’inquiètent excessivement de leur état de santé. L’hypocondrie peut elle-même, lorsqu’elle devient extrême, être un problème de santé.

Ce trouble a pris une nouvelle ampleur avec le fait que l’information sur la santé est devenue beaucoup plus accessible grâce à internet.

Pour beaucoup, notamment les personnes vivant avec une maladie chronique, internet peut être un outil extrêmement pratique. Il permet de rechercher des groupes de soutien, des sites officiels d’information, des associations ou des organisations qui peuvent offrir une aide et des conseils appropriés. Internet est aussi une ressource utile pour les personnes souhaitant améliorer leur état de santé via des changements dans leur mode de vie (nutrition et pratique sportive).

Mais accéder à des informations en ligne particulièrement détaillées ou techniques sur des problèmes de santé parfois graves mais souvent exceptionnels, peut exacerber l’anxiété de certaines personnes. C’est pourquoi, un nouveau terme est apparu pour identifier ce phénomène: la cybercondrie.

Comme nous en discuterons dans cet article, la cybercondrie est un sujet qui inquiète de plus en plus les professionnels de santé. Notre but est donc de préciser ce qu’est ce phénomène et de vous donner les conseils nécessaires si vous pensez souffrir d’hypocondrie.

La cybercondrie: quand s’informer en excès devient néfaste

Le terme cybercondrie (cyberchondria) provient du monde anglo-saxon. Le terme aurait été employé la première fois en 1999.

Et déjà en 2001, le média britannique BBC relayait l’inquiétude des docteurs concernant ce nouveau phénomène. Depuis les années 2000, la cybercondrie a bien sûr pris de l’ampleur avec l’avènement d’internet dans nos vies.

L’explosion de l’accès aux données de santé sur internet offre une source gigantesque d’informations aux personnes souffrant d'hypocondrie. Or, la question se pose de la fiabilité de ces informations puisque nous pouvons tous à notre niveau ajouter du contenu ou créer notre propre site internet médical.

La particularité de la cybercondrie, et la raison pour laquelle ce phénomène a très tôt inquiété le corps médical, est qu’elle encourage les angoisses des personnes hypocondriaques. En accédant très facilement à des informations de santé, les personnes souffrant d’hypocondrie ne feront qu’accentuer leurs angoisses.

Une étude présentée en 2009 montre que les personnes recherchant des informations sur des symptômes dits 'bénins' peuvent faire face à des résultats ou des contenus relatifs à des maladies graves. Or, ce même contenu ne dira rien de la probabilité de développer de telles maladies ou si les symptômes décrits peuvent résulter d’une cause  bénigne.

Plus précisément, les résultats de cette étude s'appuient sur la participation de 500 personnes et a permis de constater les points suivants:

  • Chez une personne sur cinq, une escalation de l’inquiétude pour des problèmes de santé éventuels et basée sur symptômes dits bénins (que ces participants définissent comme des résultats ‘constants’ ou ‘fréquents)
  • Interactions fondées sur internet qui augmentent la peur d’être malade chez deux personnes sur cinq
  • Ces mêmes interactions diminuent l’anxiété liée à l’état de santé chez la moitié des personnes interrogées

En outre, il est important de prendre en compte d’autres facteurs, dont la manière dont une personne gère son anxiété.

Pourquoi la cybercondrie inquiète ?

Pour un patient, la peur de tomber malade peut devenir un problème cyclique.

Par exemple, s’inquiéter à propos de symptômes pouvant être le signe d’une grave maladie peut vous conduire à être beaucoup plus inquiet dès que vous développez des symptômes légers. Ces dernières peuvent être des maux de tête, des problèmes de peau ou une douleur musculaire. Ils peuvent être causés par de multiples facteurs. Or, une personne cybercondriaque commencer immédiatement à s’inquiéter et à faire ses recherches sur internet.

C’est un cercle vicieux car l’inquiétude liée à l’angoisse d’être malade renforcera l’intensité de ces symptômes très souvents bénins.

L’un des ressorts essentiels de l'hypocondrie est que le patient a besoin d’être rassuré sur ses angoisses. Il se tournera donc vers le médecin ou vers internet. Néanmoins, recevoir l’assurance que tout va bien aura probablement un impact uniquement temporaire, jusqu’à la prochaine crise d’hypocondrie.

Il est aussi possible qu’une personne hypocondriaque  réagisse de la manière opposée et tente de s’auto-médicaliser, en évitant tout contact avec le corps médical.

D’ailleurs, il ne faut pas prendre l’hypocondrie à la légère, c’est un trouble qui peut conduire à de la dépression ou à des crises d’angoisse. Il peut donc être primordial de solliciter une aide psychologique pour surpasser ses peurs.

Est-ce que je souffre de cybercondrie ?

Pour diagnostiquer un cas d’hypocondrie, le professionnel de santé contrôlera les habitudes du patient et lui posera toute une série de question afin d’identifier s’il y a un peur extrême de tomber malade.

L’Index de Whitely, mis au point par Issy Polowsky en 1967, est l’outil de référence pour diagnostiquer une éventuelle hypocondrie. Il consiste à poser plusieurs questions concernant l’attitude du patient à la maladie (ex: ‘Est-ce que vous êtes inquiet à propos de votre santé?’ ou ‘Est-ce que vous peur de la maladie?’). Selon le score qu’obtient le patient, le docteur pourra diagnostiquer le patient comme hypocondriaque. Plus le score est élevé, plus la peur de tomber malade est importante.

 

Parenthèse: le syndrome de l’étudiant en médecine

 

Selon une étude d’Ifop-Capital Image en date de 2014, 13% de la population française est hypocondriaque. Mais on peut estimer qu’un nombre encore plus important de personnes développent parfois des peurs irrationnelles concernant son état de santé.

Qui n’a pas un jour consulté sur des sites internet médicaux pour vérifier si on ne souffre pas d’un problème de santé grave ?

Prenons l’exemple des étudiants en médecine. Le fait d’étudier les maladies et leurs symptômes peut provoquer chez de nombreux étudiants en médecine l’impression qu’ils contractent eux-mêmes la maladie.

En fait, ce phénomène touche principalement les étudiants de première et de deuxième année de médecine. La quantité d’informations accumulées pour des étudiants encore peu formés, lié à un processus de rapprochement entre les symptômes étudiés et leurs propres sensations corporelles, expliquent ce syndrome.

 

 

Comment faire le tri des informations de santé en ligne ?

Avant de se rendre sur internet pour consulter des informations relatives à la santé, il est important de prendre en compte les points suivants:

  • Si vous êtes sujets à la cybercondrie
  • Le type d’informations que vous recherchez
  • Où pouvez-vous trouver une information fiable et objective ?

Si vous pensez souffrir d’hypocondrie, rechercher des informations sur des symptômes ou des maladies risque d’augmenter votre anxiété. Entrer des symptômes non-spécifiques dans les moteurs de recherche, c’est prendre le risque de tomber sur des articles ou sites internets qui vous effrayeront.

Dans une étude récente (Cyberchondria: Parsing Health Anxiety From Online Behavior), le comportement de 731 sujets se rendant sur internet pour vérifier leurs symptômes a été étudié. Le résultat est que les personnes ayant une anxiété modérée ou élevée accroîtront leur angoisse lors de leur recherche. Ainsi, “les individus souffrant d’une anxiété importante devraient éviter l’utilisation d’internet pour les informations relatives à des maladies”.

D’un autre côté, si vous n’êtes pas sujet à l’anxiété, s’informer sur des symptômes ou une maladie auprès d’une source fiable est essentielle. Il est aussi important de ne pas couper le lien avec votre médecin généraliste et de lui parler de vos doutes et des éventuelles informations que vous avez consulté sur internet.

Comme nous en avons déjà discuté, si vous n’êtes pas sujet à la cybercondrie et que vous souhaitez apporter certaines modifications à votre mode de vie (comme votre alimentation ou votre pratique sportive), internet est une source formidable d’information. En outre, les personnes souffrant d’une maladie peuvent aussi entrer en contact avec des groupes de soutien ou des associations, grâce à internet.  

Si vous recherchez ce type d’informations, il faut néanmoins prendre certaines préoccupations pour s’assurer que les sites consultés sont de sources sûres.

Par exemple, pensez à vérifier que le site a des logos ou des agréments sur sa page d’accueil, la liste des contributeurs au site internet. Est-ce que le contenu est rédigé par des professionnels de santé ?

Si le site internet que vous consultez est en ‘open source’, comme c’est le cas des forums, vérifiez qu’il soit modéré ou hébergé par une organisation réputée. Enfin il est important de garder à l’esprit que les contenus rédigés sur des forums ne sont pas toujours contrôlés par des personnes médicament qualifiées.